Semis de printemps « Ras-le-bol » des excès de pluies et inquiétude sur les semis d’orge
Les conditions météo très humides de ces dernières semaines retardent les semis. Benoît Piètrement, le président du conseil spécialisé « grandes cultures » de FranceAgriMer, partage son inquiétude quant aux potentiels des orges de printemps.
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« Il y en a un peu ras-le-bol des excès de pluies ! », lançait ce mercredi 13 mars Benoît Piètrement à l’occasion d’un point presse, résumant le sentiment général qui traverse les campagnes ces jours-ci. « Semis faits ou pas faits à l’automne, pour certains faits dans des conditions compliquées ou qui ont souffert derrière, on espérait avoir un printemps plutôt serein ».
Mais les pluies continuent : « on voit beaucoup d’eau dans les champs, une grande partie de la France est touchée et l’impact va être là », poursuit le président du conseil spécialisé "grandes cultures" de FranceAgriMer, agriculteur dans la Marne.
« Je n’ai pas pu finir mes blés d’hiver, je pensais que jusque fin février je pouvais encore y aller avec la même variété et je suis repassé sur du blé de printemps pour pouvoir le semer sur tout le mois de mars, illustre-t-il. Le mois de mars avance et les terres sont toujours gorgées d’eau... On va arriver rapidement sur fin mars-début avril et on restera sans doute sur les mêmes types d’assolements prévus. La vraie question, c’est qu’on va semer de l’orge de plus en plus tard ».
À l’échelle nationale, seulement 28 % des surfaces prévues en orge de printemps étaient semées au 4 mars, contre 96 % en 2023 à la même époque et 71 % en moyenne ces cinq dernières années, souligne Abir Mahajba, cheffe de projet du programme Céré'Obs de FranceAgriMer. Les Hauts-de-France, le Grand-Est et l’Île-de-France sont les plus en retard.
Une capacité de tallage pénalisée
Conséquence des semis tardifs : « les potentiels vont forcément être bien moindres que ce qu’on peut espérer avec des orges de printemps semés plus tôt », déplore Benoît Piètrement.
De fait, « les implantations tardives tendent à pénaliser la capacité de tallage des orges de printemps, d'où l'augmentation des densités de semis pour pallier cet inconvénient jusqu'à un certain seuil, rappellent les équipes Arvalis. Les parcelles sont aussi plus exposées au risque de stress hydrique et de jours échaudants pendant le remplissage des grains ».
« Jusqu'à quand peut-on alors semer une orge de printemps ? », se demandent beaucoup d’agriculteurs. Tout va dépendre du contexte pédo-climatique. Pour l'institut technique, la date limite est fixée, par exemple, au 20-25 mars pour la Bourgogne-Franche-Comté. Au-delà, mieux vaut s'orienter vers une autre culture. La réponse doit aussi « prendre en compte le besoin en paille ainsi que l'équilibre des rotations et de l'assolement », précisent les équipes des Pays de la Loire.
« Si derrière on continue d’avoir un mois de mars et un début d’avril compliqués, la solution sera de remplacer l’orge par du maïs, abonde Benoît Piètrement. On peut semer le maïs sur le mois de mai et après, mais plus c’est tard et plus les potentiels seront atteints… ».
L’agriculteur souligne le dilemme face auquel se retrouvent plusieurs de ses collègues : « certains ont des cultures semées à l’automne mais qui ont vraiment souffert, la question est de savoir s’ils vont les maintenir et quel est le potentiel. Là, c’est retourner une culture pas en très bon état pour en faire une autre qui risque d’avoir un cycle très court… ».
Alternance régulière de sec et d'humidité
« On espère vraiment que cette pluie va s’arrêter », conclut-il, tout en nuançant : « mais il faut qu’il continue de pleuvoir une fois de temps en temps. Le risque, et c’est un peu ce qu’on voit avec l’évolution climatique, c’est d’avoir de grandes périodes de sec et de grandes périodes d’humidité, alors que l’idéal pour les cultures, c’est d’avoir une alternance régulière des deux ».
Cet hiver 2023-2024 a été marqué par « une douceur précoce exceptionnelle », une grande disparité de précipitations selon les régions mais une pluviométrie globale excédentaire de 10 %, et un déficit d’ensoleillement sur la majeure partie de l’Hexagone, commente Abir Mahajba,
Cela mène à « une hétérogénéité des stades » de développement des cultures selon les dates de semis et les zones. Quant aux conditions de culture, Céré’Obs les évalue « bonnes à très bonnes » pour 68 % des surfaces implantées en blé tendre et pour 69 % des surfaces en orge d’hiver, « une baisse par rapport aux années précédentes ». Le blé dur « s’en sort plutôt bien pour l’instant, avec 73 % des surfaces en bonnes et très bonnes conditions ».
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